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Votre travailleur autonome en est-il vraiment un?

 Article publié le 28 mai 2025

Vous faites affaire avec des travailleurs autonomes pour accomplir certaines tâches ou offrir un service à votre client? Sachez que ces travailleurs autonomes pourraient être des travailleurs au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après « la loi »).

D’une part, un travailleur autonome pourrait ne pas en être un au sens de la loi. En effet, il importe de savoir que la qualification donnée par les parties quant à la nature de la relation professionnelle ne lie pas la CNESST ou éventuellement le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT »). La détermination du statut de travailleur ou de travailleur autonome est une question de faits, basée sur les définitions prévues à la loi.

En vertu de celles-ci, un travailleur est une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d’un contrat de travail ou d’apprentissage, à l’exclusion de certaines personnes bien précises. Quant au travailleur autonome, il est défini comme une personne physique qui fait affaire pour son propre compte, seule ou en société, et qui n’a pas de travailleur à son emploi.

Différents critères ont été développés par la jurisprudence pour déterminer quel est le statut réel d’un travailleur :

  • Le contrôle et l’encadrement du travail
  • L’obligation d’effectuer le travail soi-même ou la possibilité de se faire remplacer
  • Le contrôle sur l’horaire et les congés
  • L’exercice d’un pouvoir de discipline
  • L’exclusivité des services pour l’employeur
  • Le mode de rémunération
  • L’intégration à l’entreprise de l’employeur
  • Les risques de profits ou de pertes
  • La propriété des outils
  • La propriété de la clientèle
  • La présence d’instruction en regard de la prestation de travail

Aucun de ces critères n’est déterminant.

D’autre part, même si, au terme de l’exercice précédent, la CNESST ou le TAT détermine qu’une personne est un travailleur autonome, elle pourrait tout de même être considérée comme un travailleur au sens de la loi. Vous vous demandez comment est-ce possible? Sachez que le législateur a prévu cette possibilité à l’article 9 de la loi, lequel se lit ainsi :

Le travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement de cette personne est considéré un travailleur à l’emploi de celle-ci, sauf :

1° s’il exerce ces activités :

a) simultanément pour plusieurs personnes;

b) dans le cadre d’un échange de services, rémunérés ou non, avec un autre travailleur autonome exerçant des activités semblables;

c) pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu’il fournit l’équipement requis et que les travaux pour chaque personne sont de courte durée; ou

2° s’il s’agit d’activités qui ne sont que sporadiquement requises par la personne qui retient ses services.

Ainsi, la première condition afin que l’article 9 de la loi trouve application est de déterminer si le travailleur autonome exerce des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans votre établissement. La jurisprudence a longtemps considéré que les activités similaires ou connexes devaient être interprétées comme une activité qui constitue l’essence même de l’entreprise ou qui en fait partie intégrante.

La jurisprudence a cependant évolué et désormais les tribunaux évaluent plutôt si les activités du travailleur autonome sont de même nature que celles exercées dans l’établissement ou si elles ont un rapport étroit avec celles-ci1. Dans l’affirmative, le travailleur autonome sera assimilé à un travailleur au sens de la loi.

Quatre exceptions sont toutefois prévues. Les deux premières exceptions, en l’occurrence celles permettant d’exclure un travailleur autonome exerçant un travail simultanément pour plusieurs personnes ou qui agit dans le cadre d’un échange de services avec un autre travailleur autonome, prêtent peu à interprétation.

La troisième exception, soit celle d’un travailleur qui exerce ces activités pour plusieurs personnes à tour de rôle pour des travaux de courte durée et qui fournit l’équipement requis, nécessite une analyse factuelle plus poussée. Une preuve, permettant d’établir le nombre d’heures effectuées par le travailleur autonome pour chaque entreprise qui retient ses services ou portant sur la nature spécifique des services octroyés à des tiers, est généralement nécessaire.

Finalement, la quatrième exception vise le travailleur dont les services ne sont requis que de façon sporadique, soit de temps à autre ou de manière irrégulière.

Comme il est possible de le constater, la détermination du statut d’un travailleur peut susciter des débats. Les conséquences de cette détermination peuvent être importantes, puisqu’un travailleur autonome qui est considéré comme un travailleur au sens de la loi bénéficiera des avantages de celle-ci en cas de lésion professionnelle et son salaire devra être déclaré à la CNESST aux fins du calcul de la cotisation.

Il convient donc de prendre au sérieux tout questionnement de la CNESST à cet égard et de contester toute décision pouvant être rendue à ce sujet, si vous n’êtes pas en accord avec cette décision.

1 CNESST c. TAT 2017 QCCS 5258, permission d’appel rejetée 2018 QCCA 101.

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